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MAUX D'OU: INCITATION A L'ECRITURE - Christophe DUGAVE : le syndrome de la ligne de crête

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Lorsqu’en société j’avoue écrire, on me demande souvent à quel genre littéraire je me voue. Et comme ma réponse est souvent large et imprécise, roman, roman noir, policier, thriller, nouvelles, on m’interroge alors à propos de mon sujet de prédilection. Quel est-il donc ? La réponse est évidente : tout simplement la vie. C’est un chemin sinueux et incertain, le gouffre de part et d’autre, le perpétuel appel du vide et la chute promise au moindre dérapage. Pourtant, la plupart d’entre nous suivons ce sentier sans faire de sortie de route. Mais il suffit d’un rien, d’un petit obstacle sur ce lai pierreux pour que notre existence en soit bouleversée de manière inopinée, profonde et irréversible. Parfois de manière positive, souvent de façon dramatique. Décortiquer chacun des mécanismes qui conduisent de la félicité à l’effondrement puis parfois à la rédemption est sans nul doute l’une des raisons qui me poussent à écrire. J’en vois a priori trois, reposant sur le même concept de destinée ou de hasard (qui ne sont à mon avis que des représentations d’une réalité infiniment complexe) : "l’aile du papillon", "l’instant où tout bascule" et "l’effet domino", processus successifs et interdépendants d’un même phénomène.

 

L’aile du papillon

Au commencement était un petit rien qui a tout changé dans votre vie. L’évènement fondateur, celui sans qui rien n’était possible et que l’on n’aurait pu prévoir tant le détail semble anodin. Son impact sur notre destin est majeur mais inattendu. La nature exacte du "destin" a fasciné plus d’un écrivain. Notre futur est-il réellement prédéterminé ou bien au contraire dicté au fil de l’eau par tout un ensemble de causes externes, plus ou moins reliées mais néanmoins totalement imprévisibles ? Qui ne s’est jamais demandé pourquoi la chance lui avait souri ou au contraire pour quelle raison le sort s’acharnait-il ainsi ? Comment les évènements qui influent sur notre vie se combinent-ils et comment un infime détail peut-il avoir des conséquences déterminantes sur notre existence ? Comment une option choisie il y a très longtemps, une action d’un tiers que vous ne connaissez pas ou un évènement survenant à des milliers de kilomètres peuvent avoir un effet essentiel sur votre destinée ? A défaut de pouvoir répondre à toutes ces questions que l’on regroupe souvent sous l’interrogation "Pourquoi ?", je m’efforce de proposer quelques éléments de réflexion et, qui sait, de réponse.

 

L’instant où tout bascule

Rien n’aurait été possible si l’évènement s’était produit à un autre moment. Ou alors, le futur aurait été sans doute très différent. Notre vie n’est en fait qu’une succession d’instants "où tout bascule" mais seulement quelques-uns auront droit de cité dans notre mémoire : ceux qui ont parfois brutalement et toujours durablement changé notre vie. Mais à la prédétermination imposée par la combinaison des causalités s’oppose la notion de choix. Face à une situation difficile ou déterminante, l’être humain a souvent la possibilité d’opter pour l’une ou l’autre des solutions qui s’offrent à lui, voire d’en imaginer de nouvelles. Mais dans quelle mesure ce choix est-il réellement laissé à son libre arbitre et si ce n’est pas le cas, comment les évènements influent-ils sur sa décision ? Et dans ce choix, quelle est la part réelle du hasard ? On peut donc à juste titre se demander "Quand ?" tout cela s’est joué.

 

L’effet domino : le pire est toujours certain

Reprenant les concepts brièvement développés précédemment, "l’effet domino" vient amplifier le phénomène. Il y a un moment où la situation bascule, entraîne une série de conséquences en cascade de la même façon que, culbutant un peu plus gros que lui, un petit domino de quelques grammes peut finalement jeter à terre une charge de plusieurs tonnes. Le phénomène ne joue pas nécessairement en notre défaveur mais il faut bien avouer qu’il marque notre conscience bien plus durement lorsqu’il mène à la catastrophe que quand il nous propulse vers la gloire ou le Nirvana. Partant du principe de gravité qui veut que l’eau coule toujours du haut vers le bas, la loi de Murphy se vérifie (presque) systématiquement et le pire est à peu près certain. A la notion de temporalité vient s’ajouter une idée de quantité : aussi infime que soit sa contribution, la molécule d’eau en trop, pour infime qu’elle soit, va irrémédiablement provoquer le débordement, la cascade puis le tsunami. Reste à savoir "Comment ?". C’est sans doute en tentant de répondre à cette question au travers de fictions que j’ai le plus de chance de trouver quelques éléments de réponse.

 

Il me reste aussi à utiliser, avec un peu de finesse si possible, les autres adverbes interrogatifs mis à ma disposition par la langue française. Qui ? Un héros ou une héroïne auquel nous pourrions nous identifier. Quoi ? Des situations que nous sommes susceptibles de connaître. Où ? Principalement en France (mon pays d’origine) et au Canada (où j’ai vécu). Combien ? Généralement un seul héros non récurrent, parfois plusieurs personnages principaux dont les histoires s’entrecroisent. Tout cela pour m’aider à développer quelques thèmes qui me sont chers : le mensonge, la trahison, les secrets de famille, le pardon, leurs effets immédiats ou à plus long terme sur nos vies et notre histoire. Et cette "insoutenable légèreté de l’être" qui nous permet malgré tout d’avancer, envers et contre tout.



24/04/2017
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